Impuissance ou cynisme face aux ventes d’armes européennes

par Romain Mielcarek

[Articolo pubblicato nel numero 09/2019 di Le Monde diplomatique]

Fin mai 2019, les dockers de la Confédération générale du travail (CGT) du port de Marseille inspectaient les chargements destinés au Bahri Tabuk, un cargo saoudien suspecté de vouloir embarquer des munitions d’artillerie. Quelques jours plus tôt, un autre navire, le Bahri Yanbu, était parvenu à récupérer ses cargaisons en Belgique, mais avait dû renoncer à charger dans le port français du Havre. Les 20 et 21 mai, des syndicalistes italiens annonçaient une grève tant que le bateau ne quitterait pas le port de Gênes, obtenant de pouvoir inspecter les chargements. Dans chacun de ces cas, les ouvriers portuaires étaient accompagnés d’une poignée de militants d’organisations non gouvernementales (ONG) et de quelques élus qui dénonçaient le rôle de l’Arabie saoudite et de ses alliés dans la guerre au Yémen. Le début d’une prise de conscience après de longues années d’inertie ?

La séquence actuelle de la guerre au Yémen a commencé en 2014, lorsque des groupes de rebelles houthistes ont progressé jusqu’à la capitale, Sanaa. Ce mouvement de confession chiite, soutenu par l’Iran, affronte plus ou moins violemment les forces loyalistes depuis 2004. Le 15 février 2015, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) a adopté la résolution 2201, qui le condamne et réclame la fin des hostilités. Il a renouvelé cette condamnation à plusieurs reprises, y compris après le 26 mars 2015, quand l’Arabie saoudite, à la tête d’une coalition regroupant notamment les Émirats arabes unis (EAU), l’Égypte, le Soudan et le Maroc, a lancé les premières opérations militaires.

Dans le même temps, l’ONU s’inquiète des 24,1 millions de Yéménites (sur 30,5 millions) qui ont besoin d’une assistance, dont 14,3 millions en grande urgence. À la fin de 2018, les combats avaient entraîné des déplacements de population (4,8 millions de personnes), fait 60 000 blessés et près de 10 000 morts. Certaines ONG, dont Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled), qui a établi une importante base de données, (continua a leggere su Le Monde diplomatique)